Indemnisation du préjudice : le juge ne peut refuser d’évaluer un dommage reconnu
La Cour de cassation a réaffirmé un principe fondamental en matière de réparation du préjudice dans un arrêt rendu le 13 mars 2025 : le juge ne peut refuser d’indemniser un dommage dont il constate l’existence, même en cas d’insuffisance des preuves quant à son évaluation précise.
L’affaire concerne un incendie survenu dans une propriété voisine, causé par des travaux de rénovation d’une cheminée réalisés en février 2016. Les propriétaires lésés avaient déjà été partiellement indemnisés par leur propre assureur, mais ont engagé une action contre l’assureur de l’entreprise de rénovation, qui refusait sa garantie en invoquant une clause de déchéance.
Une reconnaissance de principe, mais un rejet d'indemnisation
En appel, les juges ont reconnu la faute de la société de travaux, la réalité du dommage et le lien de causalité, trois conditions essentielles à l’engagement de la responsabilité civile. Toutefois, ils ont refusé l’indemnisation du trouble de jouissance, au motif que la demande n’était pas clairement expliquée ni chiffrée.
Ce raisonnement est contraire au droit. En effet, les juges avaient reconnu l’existence du préjudice en son principe. Ils ne pouvaient alors rejeter la demande sur la seule base d’une évaluation imprécise, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans sa décision.
Le rappel du devoir du juge de trancher
La Haute juridiction fonde sa décision sur l’article 4 du Code civil, qui interdit au juge de se dérober à sa mission sous prétexte du silence ou de l’obscurité de la loi. Par analogie, elle considère que l’imprécision des éléments chiffrés ne peut justifier un refus d’indemnisation, dès lors que le principe même du préjudice est établi.
La Cour casse donc l’arrêt d’appel, estimant que les juges du fond ont méconnu leur obligation : évaluer souverainement le montant d’un préjudice reconnu, même en l’absence d’éléments précis, en usant de leur pouvoir souverain d’appréciation.
Un rappel essentiel pour la pratique contentieuse
Cet arrêt vient renforcer la sécurité juridique des victimes : dès lors que la réalité d’un dommage est reconnue, le juge doit en tirer toutes les conséquences indemnitaires, sans pouvoir se retrancher derrière une insuffisance de preuves chiffrées.
Ce principe protège également le droit d’accès à un recours effectif, pilier du procès équitable. Il invite les juridictions à faire prévaloir la réparation intégrale du préjudice sur une lecture formaliste des moyens de preuve, lorsque le fond du droit l’exige.